Deux scénarios alternatifs à l’effondrement
Fruit d’un travail mené entre 2020 et 2023 par un collectif de chercheur•euse•s du PIREN Seine, issu•e•s de différentes disciplines, dont Sandrine Barles, membre du laboratoire Géographie-cités, deux scénarios contrastés décrivent deux avenirs possibles pour le bassin de la Seine en 2050 et les trajectoires pour les atteindre.
Les scénarios faisant l’objet de la présente synthèse proposent une analyse prospective agri-alimentaire et urbaine à l’échelle du bassin. Ils partent des considérations suivantes :
La prise en compte conjointe de l’ensemble des limites planétaires — climat, biodiversité, cycles biogéochimiques, pollutions chimiques… — amène à des scénarios plus ambitieux et plus complexes que ceux centrés sur la seule question de la neutralité carbone. Une sobriété radicale, en matière d’énergie, mais aussi de matériaux et de produits chimiques de synthèse, doit être envisagée.
Les ruptures du système socio-écologique et politique à examiner vont au-delà des scénarios couramment décrits, débattus et exclus du champ à explorer, faute de pertinence, les scénarios reposant sur une adaptation via des technologies ne remettant pas en question les systèmes économiques et sociopolitiques.
Dans le cas plus particulier du bassin de la Seine, c’est la vivabilité de l’agglomération parisienne et la durabilité de l’organisation territoriale plus large qui sont remises en cause, avec des implications sur le nombre d’habitants et leur répartition géographique.
Dans cette optique, ce rapport propose deux scénarios de rupture — Les villes en leur bassin et Post-métropolisation — qui déclinent une organisation sociale, politique et territoriale au service d’une sobriété radicale, prenant en charge les limites planétaires. Les deux scénarios se distinguent par le degré d’autonomie des low-techs mobilisées, l’organisation politique en lien avec la taille des établissements humains sur le bassin et plus globalement le rapport au vivant.
Considérant que l’intérêt d’un exercice de prospective ne repose pas seulement sur la qualité des conjectures, mais aussi sur leur mise en discussion, pour faire évoluer le cadrage même des enjeux de gestion de l’environnement, les auteurs et autrices des scénarios proposés ont mobilisé une présentation des résultats sous forme de fiches synthétiques, permettant plusieurs entrées thématiques appropriables par un large public.
« Les villes en leur bassin » et « Post-Métropolisation »
Les deux scénarios explorés remettent en question la dynamique actuelle de métropolisation et ils pourraient sous un certain point de vue tous les deux être considérés comme post-métropolitains. Mais ils abordent néanmoins la question de manière sensiblement différente.
Les Villes en leur Bassin
Comme son nom le suggère, Les Villes en leur Bassin conserve une polarité entre urbain et rural. Si dans ce scénario l’agglomération parisienne voit son importance quantitative (démographie, économie) et qualitative (normes, pouvoir) être considérablement relativisée, dans un mouvement de rééquilibrage au profit des Shrinking cities, la centralité de cette agglomération persiste. La dynamique de métropolisation est inversée, mais l’image finale conserve beaucoup d’attributs de cette métropolisation, même atténués.Post-Métropolisation
Dans ce scénario, le processus et l’image finale vont au bout de la rupture avec la logique actuelle de métropolisation, ce qui aboutit à supprimer les termes de la dualité urbain/rural, d’où son intitulé. Les changements sociaux et politiques sont poussés plus loin. La traduction de la sobriété n’est ainsi pas la même dans les deux scénarios, comme le cœur du document le montrer
Le collectif de chercheur·euse·s
Sabine Barles
Professeure d’urbanisme et d’aménagement à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheure à l’UMR Géographie-cités, ses travaux portent sur l’histoire des techniques et de l’environnement urbain, l’écologie territoriale et le métabolisme urbain.
Gilles Billen
Directeur de recherche émérite au CNRS et biogéochimiste, il développe depuis plusieurs années des outils de modélisation et des scénarios d’évolution des systèmes alimentaires, à différentes échelles
Fabien Esculier
Chercheur à l’école des Ponts ParisTech au laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains, il coordonne le programme de recherche et action OCAPI qui vise à étudier et accompagner la transition écologique des systèmes alimentation/excrétion urbains.
Josette Garnier
Directrice de recherche émérite au CNRS, ses travaux en biogéochimie territoriale portent notamment sur l’élaboration et l’évaluation environnementale de différents scénarios d’évolution des systèmes alimentaires.
Sarah Lumbroso
Ingénieure agronome et docteure en sciences de gestion, consultantechercheuse au sein du bureau d’études AScA, elle travaille sur les prospectives environnementales.
Caroline Petit
Ingénieure de recherche INRAE en agronomie des territoires, elle travaille sur les systèmes agricoles en milieux urbains et le métabolisme agri-alimentaire.
Xavier Poux
Ingénieur agronome et docteur en économie rurale, consultant-chercheur au sein du bureau d’études AScA.
Les étudiant·e·s qui ont contribué au projet
L’exercice de scénarisation a été rendu possible par l’implication d’étudiant•e•s, dans le cadre d’ateliers du Master 2 Urbanisme et Aménagement de l’Université Paris 1, qui ont rassemblé du matériau nécessaire à la réflexion et qui ont largement contribué à la formalisation des scénarios (Atelier M2 Urbanisme Paris 1, 2017; 2018, 2022a; 2022b).