Le cas de la région métropolitaine de Tokyo
Comment évaluer la diminution de la valeur des biens immobiliers, et sa répartition, dans la région métropolitaine de Tokyo de 2019 à 2045 ? Une analyse prédictive cosignée par Sophie BUHNIK, chercheure associée au laboratoire Géographie-cités.
Dans les villes et régions en décroissance, la baisse de la demande en logement due à la diminution de la population peut entraîner un affaissement voire un déclin des prix des terrains et des biens immobiliers. Le Japon est particulièrement exposé à ce phénomène, lié à la dépression durable que connaissent la plupart de ses marchés immobiliers locaux. A l’échelle de ses principales aires métropolitaines, la déflation de la valeur des actifs immobiliers se produit principalement dans les banlieues en vieillissement et en déclin démographique, ce qui a un effet négatif sur les patrimoines des ménages âgés. Bien que ces problèmes soient au centre de nombreux débats scientifiques au Japon, il existe peu de travaux mesurant le degré et la répartition de la déflation des actifs immobiliers. En réponse, nous avons utilisé une base de données socio-économiques sur les 209 municipalités composant l’aire métropolitaine de Tokyo, afin de prédire la diminution de la valeur des biens immobiliers dans cette région de 2019 à 2045. La déflation de la valeur des actifs immobiliers a été estimée en tenant compte des différences régionales de population.
Nous estimons ici que la déflation des actifs immobiliers pourrait atteindre environ 94 000 milliards de yens d’ici 2045. Bien que le degré de déflation diffère selon les municipalités, la déflation de la valeur des actifs immobiliers est d’ores et déjà apparue dans presque toutes les municipalités, à l’exception des arrondissements centraux de Tokyo. En outre, la valeur de la déflation dans de nombreuses municipalités de banlieue pourrait dépasser 10 millions de yen (environ 68750 euros) par ménage, d’après nos analyses à l’échelle d’un ménage moyen conduites sur l’aire métropolitaine de Tokyo. Les résultats de l’étude impliquent qu’une déflation significative de la valeur des actifs immobiliers à usage résidentiel est inévitable pour les ménages périurbains. Elle constitue en pratique un obstacle fondamental à la promotion des villes compactes, en raison de l’immobilité résidentielle contrainte qu’elle engendre.
Sophie BUHNIK est titulaire d’un doctorat en géographie et en aménagement du territoire de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse a été récompensée par le Prix Philippe Aydalot de l’Association de science régionale de langue française et par le Grand Prix de la Ville (PUCA/APERAU/CDC). Associée au laboratoire Géographie-cités où elle a conduit sa thèse, elle a participé à des travaux comparés sur la rétraction des commerces et services dans les villes petites et moyennes et sur les villes en décroissance en général. Elle travaille en tant que chercheure à la Faculty of Urban Life Studies de la Tokyo City University et chercheure associée (2021-pst.) à la Maison franco-japonaise (Tokyo), où elle a coordonné de 2020 à 2022, avec le soutien du CNRS, une International Emerging Action sur la question de la dépréciation des patrimoines immobiliers au Japon, dans une perspective comparée avec la France.