Chun-ya LIU soutiendra une thèse en géographie/aménagement intitulée :

Régimes politiques, développement économique et croissance urbaine de Taiwan

La soutenance aura lieu le mercredi 2 septembre à 14h, au Centre Sorbonne (Salle Duroselle, Galerie J.B. Dumas 14 rue Cujas, 75005 Paris).

Le jury de la thèse se compose des membres suivant.e.s :

  • Mme. Natacha AVELINE-DUBACH, Directrice de thèse, Directrice de recherche CNRS, Géographie-cités
  • M. Gilles GUIHEUX, Rapporteur, Professeur, Université de Paris
  • Mme. Nadin HEÉ, Rapporteure, Junior professeur, Université libre de Berlin
  • Mme. Nathalie LANCRET, Examinatrice, Directrice de recherche CNRS, AUSSER
  • Son Excellence Chih-chung WU, Examinateur, Ambassadeur de Taiwan en France ; Professeur, Université de Soochow (Taiwan)

Résumé

Cette thèse livre une lecture macro-régionale du processus d’urbanisation à Taiwan depuis ses origines, soit sur une durée de quatre siècles. Les caractéristiques de la croissance des villes sont saisies en lien avec les stratégies de développement des divers régimes qui se sont succédés sur l’île. La méthode croise une approche historique, basée sur les écritures controversées du grand récit taiwanais, avec des techniques d’information géographique (logiciel QGIS) permettant de spatialiser les processus historiques.

Au cours de ces quatre siècles, le territoire taiwanais a été essentiellement dominé par des pouvoirs exogènes ou coloniaux, tout en étant le support d’intenses brassages ethniques, notamment par l’afflux de migrants issus du continent chinois. Le développement économique et urbain de Taiwan s’est donc trouvé à l’interface de stratégies spatiales de domination occidentale et orientale. Les puissances occidentales ont développé des villes portuaires dans le cadre d’une stratégie coloniale inscrite dans un commerce mondial (comptoirs coloniaux hollandais et espagnols), tandis que les pays orientaux ont poursuivi une stratégie plus continentale, soit en cherchant à isoler Taiwan aux confins d’un monde chinois trans-détroit (domination des Qing), soit en y développant des réseaux urbains à distance des côtes (stratégie coloniale japonaise, poursuivie par le KMT et maintenue jusqu’à nos jours).

Du fait de cette histoire heurtée, la capitale du pays, Taipei, a connu un processus de macrocéphalie moins prononcé que ses consœurs d’Asie orientale. Cela trahit une croissance urbaine plus équilibrée, concentrée cependant dans la partie occidentale de l’île, le long d’un axe de transport continental nord-sud reliant deux grands pôles portuaires. La topographie très accidentée de Taiwan et sa proximité de la Chine ont également concouru au développement occidental du réseau urbain. A l’exception des Qing (mandchou), tous les pouvoirs exogènes à Taiwan se sont appuyés sur l’ethnie han —selon des stratégies diverses face à ses formes complexes—, reléguant une grande partie des aborigènes dans les espaces montagneux de l’est et réduisant leur riche diversité linguistique et culturelle.

Si la diversité ethnique de Taiwan est revendiquée depuis l’avènement d’un régime démocratique, le réseau urbain actuel conserve l’héritage du dispositif spatial de la période coloniale japonaise, tout en se repliant sur le nord-ouest de l’île par suite de la désindustrialisation du pôle portuaire méridional de Kaohsiung. Cette situation amène à réinterroger l’application du concept « d’État développeur » (developmental state, Johnson, 1982) au cas taiwanais. La thèse démontre que Taiwan répond aux critères d’une stratégie productiviste d’État développeur au cours de la période autoritaire du KMT, mais que ce n’est plus le cas à l’ère démocratique en raison de l’affaiblissement de l’agence de pilotage économique et de la délocalisation d’une grande partie de l’appareil industriel taiwanais en Chine.