Dans cet article publié dans la revue Political Geography, Filyra VLASTOU-DIMOPOULOU, doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du laboratoire Géographie-cités, utilise la notion de « géopolitique incarnée » afin de replacer les relations géopolitiques à l’échelle de la vie quotidienne.
Plus précisément, elle explore la manière dont les relations géopolitiques entre la Grèce et la Turquie, qui oscillent historiquement entre inimitié et amitié, s’ingèrent dans la vie quotidienne des citoyens turcs qui ont déménagé à Athènes après 2016, dans un contexte de crises entremêlées (c’est-à-dire la crise des réfugiés, la crise socio-économique et la crise sanitaire liée à la pandémie).
En s’appuyant sur des entretiens approfondis avec des citoyens turcs, elle cherche à comprendre comment leurs diverses positions – définies par le genre, la classe, l’ethnicité et la religion – se reconfigurent à mesure que ceux-ci négocient leurs sentiments d’appartenance à Athènes. Filyra VLASTOU-DIMOPOULOU s’intéresse en particulier à la manière dont cette négociation est façonnée par le passé géopolitique omniprésent, ainsi que par les expériences de déplacement et de précarité. En s’engageant dans une géopolitique critique et féministe, elle soutient que les relations historiques et politiques entre la Grèce et la Turquie « hantent » la vie des citoyens turcs, (re)produisant des stéréotypes et des processus d’aliénation. Dans le même temps, elle propose que leurs géographies relationnelles quotidiennes soient constituées d’espaces « abrités », qui leur permettent de reconfigurer leurs positions ainsi que les frontières, les contraintes et les histoires qui les hantent.
L’article se termine par une discussion sur le potentiel des négociations d’appartenance qui découlent des relations géopolitiques obsédantes et des espaces protégés quotidiens, pour remettre en question et/ou reproduire les relations géopolitiques sur le terrain.