De la mise en cause de la modélisation à l’hybridation des méthodes : le cas de l’École nationale des ponts et chaussées

Dans cet article publié dans la revue Flux n° 133 sur le thème « Numérique et ingénierie urbaine », Marion Maisonobe, géographe et Gilles Jeannot, sociologue,  analysent les développements de l’intelligence artificielle dans le domaine des sciences de l’ingénieur et les relations avec les pratiques plus traditionnelles de modélisation, autour du cas de la recherche à l’École nationale des ponts et chaussées.

Les méthodes de modélisation étant dominantes dans le domaine des sciences de l’ingénieur appliquées à l’urbain, la question que traite cet article est celle des relations entre les méthodes de modélisation traditionnelles appliquées à des jeux de données peu volumineux et les méthodes récentes d’apprentissage et de traitement de très grands volumes de données. Une analyse bibliométrique centrée sur la sphère de recherche de l’Ecole des ponts montre qu’à partir de 2015, les publications mobilisant des méthodes d’apprentissage se développent à un rythme comparable à celui observé dans l’ensemble de la recherche française. Une enquête qualitative auprès de scientifiques de l’École, au début de cette phase de croissance, questionne les possibilités d’hybridation entre les méthodes d’apprentissage machine et les modalités traditionnelles de modélisation en recherche opérationnelle et mécaniques des fluides.

Lors de l’enquête qualitative, nos interlocuteurs ont également relativisé l’opposition entre les méthodes modélisatrices et les nouvelles méthodes associées à l’intelligence artificielle. Tout d’abord le terme de modèle est assez souple pour inclure les nouveaux développements « Le mot modèle est polysémique. Même quand tu fais du deep learning et des algorithmes compliqués cela reste un modèle. C’est juste pas le même type de modèle. (…) Pour les études trafic, on a une coexistence des approches : des modèles de trafic à bases de mécanique des flux (on modélise des tuyaux et des liquides) et des modèles statistiques à bases de données.» (Chercheur, informatique).

Marion Maisonobe, Gilles Jeannot. L’émergence de l’intelligence artificielle dans les sciences de l’ingénieur pour le territoire : de la mise en cause de la modélisation à l’hybridation des méthodes. Le cas de l’École nationale des ponts et chaussées. Flux – Cahiers scientifiques internationaux Réseaux et territoires, 2023, 3 (133), pp.24-39 ⟨hal-04385753⟩

Marion Maisonobe est géographe au CNRS au sein du laboratoire Géographie-cités et spécialiste de la géographie des activités de recherche. Elle explore en particulier la relation entre les dynamiques scientifiques mondiales et les réseaux académiques. Pour mieux saisir les relations entre espaces géographiques, liens sociaux, et échanges mondiaux, son travail interroge plus largement les logiques spatiales de sociabilités ainsi que les ressorts des interactions entre villes, pays et grandes régions à l’échelle mondiale.

Gilles Jeannot est sociologue chercheur au LATTS à l’École nationale des ponts et chaussées, ses travaux portent sur les transformations des administrations et entreprises publiques. Sur la question du numérique il a abordé les évolutions des administrations municipales face à la ville intelligente et les effets du capitalisme de plateforme sur les services publics et administrations.

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Françoise Bahoken, Grégoire Le Campion, Marion Maisonobe, Laurent Jégou et Étienne Côme (2020) Typologie d’un geoweb des flux et réseaux. Geomatica, 74. DOI: 10.1139/geomat-2020-0007