Retours réflexifs sur l’articulation d’approches statistiques et d’approches de terrain plurielles

Ce texte de Camille Hochedez (UMR Migrations internationales, espaces et sociétés / Institut Convergences Migrations), David Lessault (Espaces et Sociétés), Pierre Pistre (UMR Géographie-cités) propose, à partir du retour d’expérience d’un programme de recherche co-financé par l’Agence nationale pour la recherche (ANR) et la Région Nouvelle-Aquitaine, de discuter de ce qui pourrait être défini comme une méthode mixte en géographie. Il montre que « les méthodes mixtes s’apparentent ici à une posture de recherche qui repose non seulement sur l’articulation d’approches qualitatives et quantitatives, mais aussi de champs théoriques (études rurales/études migratoires) et de compétences des chercheurs ».

À l’origine, le projet CAMIGRI avait pour objectif d’étudier les recompositions des espaces ruraux français au prisme des migrations internationales et de la diversification croissante des formes de mobilité. Pour pallier l’invisibilité de certaines présences étrangères dans les bases de données ou sur le terrain, la méthode articule traitements statistiques aux échelles nationale et intercommunale et études de cas par suivi de lieux emblématiques de situations migratoires dans 3 terrains du grand quart sud-ouest. L’équipe, composée de neuf géographes, a pu associer durant les cinq années du projet un ensemble de compétences et d’expériences dans les domaines de la recherche sur les mobilités spatiales et les espaces ruraux avec des approches quantitatives et qualitatives. La méthode développée permet de capter la diversité des formes de présences étrangères et leurs effets sur les territoires, en s’appuyant pour une bonne part sur des exemples agricoles. Elle repose aussi sur la mobilisation d’outils originaux (grille biographique, photographie, carnets) pour étudier et suivre les présences étrangères sur le temps long dans les espaces ruraux.

Figure 1Quelle(s) production(s) méthodologique(s) au croisement des méthodes ?

Conception-réalisation D. Lessault, P. Pistre et C. Hochedez, 2023 © CAMIGRI

Cet article interroge a posteriori la nature de la démarche méthodologique mise en œuvre dans le projet : suffit-il d’articuler méthodes quantitatives et qualitatives pour pouvoir parler de méthodes mixtes en géographie, le cas échéant, selon quel degré d’approfondissement des méthodes (complémentarité, articulation voire intégration) ? N’y a-t-il pas aussi d’autres types d’articulation nécessaires pour parler de méthodes mixtes, entre champs théoriques et outils par exemple ?

Nous posons l’hypothèse que leur déploiement dans le cadre du projet est intrinsèquement lié à la spécificité du prisme d’analyse des changements ruraux et agricoles adopté, celui des migrations internationales. L’article retrace le fil progressif de cette construction multiple.La première partie expose un premier niveau d’intégration productif au plan méthodologique : le dialogue organisé entre les approches statistiques et les approches de terrain par observation et enquête. La seconde partie va plus loin dans le niveau d’articulation des méthodes puisque nous éclairons les modalités d’hybridation de plusieurs outils dans le but de dépasser certaines limites inhérentes au cloisonnement des approches statistiques et de terrain. Enfin, nous ouvrons une discussion sur les contours et les niveaux d’intégration de ce que l’on considère comme étant des « méthodes mixtes » à partir de notre expérience. Analysant les difficultés rencontrées dans leur mise en œuvre et leurs incidences sur les résultats du programme, ce sont bien les termes d’une posture scientifique générale d’un collectif de chercheurs qui sont posés.

Camille Hochedez, David Lessault, Pierre Pistre. Enquêter les migrations internationales dans des espaces de faible densité. Retours réflexifs sur l’articulation d’approches statistiques et d’approches de terrain plurielles. Annales de géographie, 2024, 755 (1), pp.25-51. ⟨10.3917/ag.755.0025⟩. ⟨halshs-04462359

 

Pierre PistrePierre Pistre

Pierre Pistre est maître de conférences à l’Université Paris Cité, membre du laboratoire Géographie-cités. Il est titulaire d’un doctorat en géographie de l’Université Paris Diderot et UMR Géographie-cités : « Renouveaux des campagnes françaises : évolutions démographiques, dynamiques spatiales et recompositions sociales (2012). Il a été membre du projet ANR  CAMIGRI (pour : Les campagnes françaises dans la dynamique des migrations internationales ») – 2016-2021. Il est co-responsable du groupe de travail « Métropolisation et espaces ruraux : comparaisons Nords/Suds » du Labex DynamiTe et membre du comité de rédaction de la revue Mappemonde.