Construire des nomenclatures professionnelles et sectorielles pour identifier et mesurer les emplois des activités productives en France

Ce premier cahier de l’équipe de recherche du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), cosigné par des membres du laboratoire ESO, du CNAM et Thibault Le Corre, membre associé du laboratoire Géographie-cités, rend compte des recherches menées dans le cadre du projet Subwork dont l’objectif est d’explorer les emplois et les espaces de travail de la ville productive. 

La montée en puissance de la notion de ville productive au sein du champs de l’urbanisme et des politiques territoriales offre de précieuses clés de lecture afin de penser les économies urbaines et leurs emplois au-delà des fonctions métropolitaines et des quartiers créatifs. L’étude quantitative des emplois et des espaces de travail de cette ville productive exige toutefois de convenir de définitions précises et utilisables au sein des bases de données de la statistique publique, c’est-à dire s’appuyant sur les nomenclatures PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) NAF (nomenclature d’activités française).

Distinction entre emplois de la sphère présentielle et de la sphère productive : part des emplois de la sphère productive en 2019 par EPCI

Dans ce but, en enrichissant la grille fonctionnelle de l’Insee (2009) par les apports de travaux en géographie économique et dans le champ de l’urbanisme, le projet Subwork a construit trois nomenclatures inédites :

  • une première nomenclature « Catégories Professionnelles » (CP) permet une légère relecture de la stratification sociale proposée par la nomenclature PCS. Elle permet de faire les croisements entre les types d’emploi et les secteurs d’emploi.
  • une deuxième nomenclature, TSA, utile à l’analyse des établissements économiques, permet de mettre en exergue la catégorie des entrepreneurs individuels et de  comprendre leur contribution à la notion de ville productive. Ceux-ci révèlent d’autres espaces de travail, imbriqués dans le tissu
    résidentiel et associatif des territoires.
  • une troisième nomenclature, celle des fonctions économiques (FE), permet d’analyser la structure globale de l’emploi. Utilisée pour saisir et analyser les lieux de travail, a fortiori les bâtiments, elle est utilisée ici pour une première description des emplois de fonctions productives à l’échelle nationale et des aires d’attraction des villes de plus de 200 000 habitants.

A partir des trois nomenclatures produites et présentées dans ce premier cahier (FE, TSA et CP), le projet Subwork a structuré une base de données des effectifs au lieu de travail et au lieu de résidence, de 2008 et à 2018, à quatre échelles : IRIS7 , communes, EPCI8 et aires d’attraction des villes. D’ici l’été 2023, cette base de données sera proposée en open science, accompagné d’un outil d’exploration et d’analyse.
Au-delà des objectifs de recherche du projet Subwork, la mise à disposition de cette base de données en open science sera une invitation à multiplier les recherches sur la géographie des emplois et du travail en France, à différentes échelles géographiques et d’analyse.

Perspectives

À partir de ces données, des analyses sont menées à différentes échelles, afin de comprendre les trajectoires des grandes aires d’attraction des villes en termes de fonctions productives, de l’évolution de leur localisation au sein de ces dernières ou encore des liens entre division économique et division sociale de ces espaces urbains.
Ces données permettront également de conduire des analyses sur la mobilité des travailleurs de la ville productive par une analyse du « spatial mismatch » c’est-à-dire du décalage entre le lieu de travail et le lieu de résidence.
Le prochain livret contiendra également l’analyse du territoire de Plaine Commune à l’aide des nomenclatures TSA et FE, avec une attention particulière portée aux entreprises individuelles et à leur insertion dans le tissu résidentiel afin de porter un autre regard sur les espaces de travail de laville productive

Télécharger Adeline Heitz, Thibault Le Corre, Nicolas Raimbault, Aliette Roux, Lucas Tranchant. Les emplois de la ville productive. Construire des nomenclatures professionnelles et sectorielles pour identifier et mesurer les emplois des activités productives en France. Cahier SUBWORK n°1, PUCA. 2023. halshs-04040515

thibault le correThibault Le Corre
Docteur en géographie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheur associé au laboratoire Géographie-Cités depuis 2019, Thibault LE CORRE est post-doctorant à l’université de Nantes, au laboratoire ESO. Son travail est principalement consacré à l’analyse des dynamiques des marchés immobiliers et à leurs répercussions sur les inégalités sociales et spatiales. Je m’intéresse également aux nouveaux emplois des classes populaires et aux dynamiques de division sociale des espaces urbains associées.

Subwork – Les espaces suburbains de production : quels emplois populaires ? 

Au-delà du secteur de l’industrie, les activités de production englobent également un large panel d’emplois issus des services imbriqués dans les secteurs de la logistique, du commerce (grande distribution, commerce de gros, e-commerce), de l’artisanat ou encore des plateformes numériques. Ces activités, parfois récentes, sont souvent mal connues et reposent en grande partie sur des emplois peu qualifiés, ceux-là mêmes apparus comme « travailleurs essentiels » pendant la crise du COVID-19. Les catégories agrégées d’« ouvrier », d’« employé » ou d’« indépendant » de la statistique publique sont insatisfaisantes pour les identifier. Le travail évolue, brouillant les frontières entre les secteurs.

Le projet Subwork a pour objectif d’analyser la structure et la géographie des « emplois de production » en incluant les nouveaux services (plateformes numériques, e-commerce) et d’apporter un regard neuf sur les fabriques et le design urbain des espaces de production. L’objectif est de montrer comment les modalités de production et de transformation des espaces de production contribuent à structurer les lieux de travail des classes populaires.
Tout d’abord, le projet mettra à jour la géographie des emplois de production au sein des aires urbaines de Paris et de Nantes. Depuis les zones denses dont ils sont chassés sous l’effet de la pression urbaine ou de la gentrification, mais dans lesquels ils reviennent intégrés à des projets urbains, jusqu’aux fronts d’urbanisation, où on les retrouve dans les zones d’activités économiques, ces espaces de production structurent différents visages de la banlieue.
Ensuite, au travers des quatre études de cas, le projet mettra en lumière les enjeux d’urbanisme et les mécanismes de production urbaine des espaces de production, en s’appuyant notamment sur le cas emblématique la logistique urbaine. Ces terrains questionnent également les formes de renouvellement des banlieues.
Enfin, le projet mettra en évidence le redéploiement spatial des centralités populaires découlant des transformations des espaces de production dans les différentes configurations des banlieues de Paris et de Nantes.

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