logo grindrLe risque et sa gestion dans l’usage du média géolocalisé Grindr dans les grandes villes

Dans un article publié dans les Annales de Géographie, Clément Nicolle, doctorant en géographie (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne /UMR Géographie-cités) s’intéresse au risque et à sa gestion dans l’usage de Grindr, principale application de rencontres destinées aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH).

Si cette application se décrit comme un safe space, s’inscrivant par-là dans la filiation des lieux communautaires LGBT, les enquêtés interrogés la décrivent plutôt comme un espace d’incertitude, du fait de la facilité avec laquelle n’importe qui peut y accéder et s’y créer un profil. Ces incertitudes imprègnent le passage du virtuel au réel, et donnent lieu à de multiples stratégies visant à réduire les risques de tomber sur un individu mal intentionné. Cela joue à la fois sur le choix des lieux servant de cadre aux rencontres, mais aussi sur la manière dont ces lieux sont investis, qu’il s’agisse des espaces domestiques, cadre privilégié des rencontres sexuelles, ou des espaces publics et commerciaux. Ces stratégies apparaissent également à l’échelle urbaine, sous la forme de dynamiques d’évitement, dont les ressorts sociaux révèlent des représentations spatialisées et racialisées du risque homophobe.

L’usage de Grindr et de ses concurrentes s’accompagne de multiples incertitudes qui contraignent le passage du virtuel au réel et ses modalités, à différentes échelles. La facilité avec laquelle toute personne peut s’inscrire sur Grindr, l’absence de vérification d’identité, et le très faible suivi des signalements en font un espace jugé peu fiable par les hommes qui l’utilisent. Si l’application s’inscrit dans la filiation des lieux communautaires en se qualifiant de safe space, elle n’en constitue pas vraiment un : tout en louant les possibilités ouvertes par l’application en matière de rencontres, les usagers rencontrés appréhendent avec suspicion cette interface, où les informations publiées sont peu vérifiables. Il est ainsi difficile de confirmer la véracité des informations affichées dans les profils et in fine, de s’assurer en amont des motivations de ses utilisateurs. Le passage du virtuel au réel s’accompagne de multiples stratégies visant à réduire ces incertitudes, stratégies qui se déploient en ligne, dans les interactions par messages, mais aussi dans le choix des lieux de rencontres, et la manière dont ils sont investis.
Conclusion, & 32

NICOLLE Clément, « Les spatialités sous conditions des applications de rencontres gays. Le risque et sa gestion dans l’usage du média géolocalisé Grindr dans les grandes villes », Annales de géographie, 2024/1 (N° 755), p. 52-74. DOI : 10.3917/ag.755.0052.

Clément Nicolle prépare une thèse de doctorat en géographie intitulée :  « Salut, tu es où ? » Espaces, sociabilités et rencontres gays via les applications géolocalisées » sous la direction de Nadine Cattan (CNRS / UMR Géographie-cités) et Antoine Le Blanc (Université du Littoral Côte d’Opale). Il attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne.

Lire aussi

Nicolle C., 2022, « Une ville plus gaie ? Pratiquer la ville et s’y rencontrer entre hommes via les applications de rencontres géolocalisées ». Espace, populations, sociétés. 2022/1. En ligne

Nicolle C., 2022,  » “The Whole Neighbourhood Is Becoming Gay! ” – Reflections on the Effects of Geolocation Dating Apps on the Practice and Perception of the Urban Space of Gay Men in Major French Cities ». Mapping LGBTQ Spaces and Places. A Changing World, Marianne Blidon et Stanley D. Brunn. En ligne