Dans cet essai paru dans Metropolitiques, Marie-Vic Ozouf-Marignier et Achille Warnant s’interrogent, un demi-siècle après la dernière réédition du best-seller du géographe Jean-François Gravier, sur ce qu’il reste des thèses défendues dans cet ouvrage longtemps présenté comme la Bible des aménageurs du territoire d’après-guerre.

Publié pour la première fois en 1947 aux éditions Le Portulan, avant d’être réédité par les éditions Flammarion en 1958 puis en 1972,  ce livre « toujours cité, rarement lu, jamais discuté », selon la formule du géographe B Marchand, influença considérablement, après-guerre, les politiques de décentralisation industrielle et d’aménagement du territoire.

« L’auteur du Désert dresse le constat d’une France qui meurt à petit feu. Gravier observe ainsi que la croissance démographique est portée exclusivement par l’immigration et qu’elle est concentrée, pour l’essentiel, dans les deux principales agglomérations du pays : Paris et Marseille« .  Paris est la principale cible de ses critiques. Il propose, ainsi, de limiter le développement de l’agglomération parisienne qu’il accuse de dépeupler le pays.

Découpage des régions administratives selon Jean-François Gravier (1958)

Découpage des régions administratives selon Jean-François Gravier (1958)

J.F. Gravier met aussi en relation l’affaiblissement de la province avec l’organisation de sa structure territoriale héritée de la Révolution. La centralisation s’accompagne, selon lui, « d’une division territoriale en unités inappropriées : les départements et les communes« . La solution, selon lui, résiderait, dans la mise en place d’une décentralisation administrative et industrielle. La solution, selon Gravier, résiderait, dans la mise en place d’une décentralisation administrative et industrielle. « Il plaide, ainsi, en faveur d’un système à deux échelons avec la création de seize grandes régions, dominées par des grandes villes, et la constitution de groupements de communes, organisés en syndicats, au niveau des cantons. Un programme en somme peu original si l’on songe à tous les projets de réforme territoriale de la IIIe République« .

Limitée au départ à un petit cercle d’initiés, le livre connait finalement un certain succès et sera plusieurs fois réédités. La mise en place d’un plan national d’aménagement du territoire en 50, des métropoles d’équilibre en 64 puis des contrats de villes moyennes à partir de 72 illustre la portée des idées de J.F. Gravier

Si l’influence réelle des travaux de Gravier est désormais à peu près nulle, concluent Marie-Vic Ozouf-Marignier et Achille Warnant, il/elle concèdent qu' »une relecture de Paris et le désert français aujourd’hui offre des éléments utiles à la compréhension des mécanismes ayant abouti à la centralisation parisienne. Elle permet, en outre, de mieux saisir les fondements de l’aménagement du territoire« .

Télécharger Marie-Vic Ozouf-Marignier & Achille Warnant. Que reste-t-il de Paris et le désert français ? Métropolitiques, février 2024.

 

Marie-Vic Ozouf MarignierMarie-Vic Ozouf-Marignier est directrice d’études à l’EHESS et membre du laboratoire Géographie-Cités (UMR 8504). Ses travaux portent sur l’action publique territoriale et l’aménagement du territoire.

Voir aussi :
Interview de Marie Vic Ozouf-Marignier pour Allez Savoir #4

 

« Au sein l’Europe des projets architecturaux et urbains (GIP Epau), je suis chargé de l’animation scientifique de la Caravane des ruralités, un dispositif de recherche et de valorisation des initiatives rurales. Je suis également en appui du Conseil scientifique de France Ruralités.
Géographe et politiste de formation, je me suis intéressé dans le cadre de ma thèse, menée sous la direction de Marie-Vic Ozouf-Marignier, au « problème des villes moyennes » à travers l’évolution de l’action publique locale à Montluçon, Nevers et Vierzon des années 1970 à nos jours. Un sujet sur lequel je continue de travailler parallèlement à ma mission au GIP Epau.
Je m’intéresse aussi, depuis 2018, à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée menée à Prémery (Nièvre) et je co-dirige, depuis juin 2021, l’Observatoire de l’expérimentation et l’innovation locales de la Fondation Jean-Jaurès.«