VIP City, 30 mars 2011, Tamil Nadu, Inde. Éric Denis.
Dates : 2020 – 2021
Responsable du programme au sein de l’UMR : Éric Denis
Membres de l’UMR impliquées dans le programme : Claire Simonneau, Myriam Ababsa
Équipe de l’UMR impliquée : PARIS
Responsable du programme en dehors de l’UMR : Bérénice Bon (IRD, CESSMA) ; Armelle Choplin (Université de Genève) ; Philippe Lavigne Delville (IRD)
Financement : Comité technique foncier et développement (AFD & MEAE)
Transversalité concernée : Les fabriques de l’urbain : processus, acteurs, pratiques
Description : cette recherche porte sur les modalités de conversion des usages du sol dans les Suds en lien avec l’urbanisation. Il s’agit, d’une part, de repérer et classer les processus de conversion, les sorties des usages agricoles ou l’entrée sur le marché urbain à l’échelle macro et, d’autre part, de documenter à partir d’études de cas précises les modalités d’action et leurs effets.
Dépasser le clivage urbain-rural
Nous plaçons la focale sur les dynamiques territoriales, en dépassant un clivage urbain-rural, voire en s’affranchissant de la notion de « territoire périurbain » difficile à identifier précisément. Si ces conversions manifestent souvent un frottement entre un milieu rural et un environnement urbanisé avec les usages qui y sont associés respectivement (activités agricoles, activités d’extractions, environnements protégés, forêts, déserts versus habitat et activités de production et de services, capitalisation foncière, friches, voire réserves naturelles et parcs…), il est devenu obsolète de concevoir une « urbanisation » uniquement dans la continuité des tâches urbaines existantes. Il n’est plus question d’une périurbanisation systématique, ni même d’une conversion des terres agricoles en parcelles bâties ou à lotir. L’enjeu n’est plus, en ce sens, de contenir la pression urbaine avec des limites, des cordons.
Examiner spatialité, temporalité et acteurs des conversions
Les dynamiques observées sont complexes et multiformes, les acteurs impliqués relèvent de légitimités diverses. S’y croisent, s’arrangent ou s’opposent, des chefs coutumiers, des industriels négociant auprès d’autorités publiques des assemblages fonciers en faveur de zones économiques spéciales, ou encore des promoteurs immobiliers qui obtiennent des droits de subdivision sur des terres agricoles, sans compter la multitude des habitants et des migrants qui occupent et lotissent des terres à l’appropriation aisément contestable. Parfois des terres changent de mains, sans investissement immobilier ou entrepreneuriat agricole. Les terrains restent en friches, tout en étant le support concret d’épargne, avec des stratégies à plus long terme de revente des parcelles pour des investissements commerciaux, voire dans le domaine agricole. Concernant les pratiques agricoles, on observe des logiques de diversification économique à des échelles fines. Les propriétaires et exploitants de terres agricoles peuvent combiner différentes techniques et calendriers culturaux, pour s’adapter aux variabilités des ressources, notamment aux concurrences fortes autour de l’eau, et aux variabilités des prix agricoles, tout en vendant certaines parcelles et en se lançant parfois eux-mêmes dans la promotion immobilière. Tensions, appropriations, évictions et précarité des installations caractérisent donc ces espaces en conversion où les usages sont vivement disputés : habiter, travailler, cultiver, exporter, produire, extraire, spéculer, conserver, protéger, polluer, circuler….
Comprendre les stratégies pour penser leur régulation
Alors que de nombreuses recherches ont été menées sur les accaparements à grande échelle, il s’agit ici de déplacer la focale et de changer d’échelle, en mettant en lumière les frottements à une échelle plus fine entre les différents usages afin de repérer la complexité des pratiques et les multiples affiliations des acteurs, leurs coalitions et leurs lignes de désaccord. Il s’agit également de décaler le regard par rapport à une recherche très fournie en matière juridique. On s’intéresse aux pratiques, aux négociations et aux rapports de force plutôt qu’aux droits fournis par les « papiers » fonciers, même si ces derniers interviennent dans les conversions foncières.
Un tel travail pose finalement les bases d’une réflexion autour de la régulation des conversions : penser l’imbrication croissante des usages agricoles et urbains comme la conservation des ressources, tout en intégrant une ambition de justice sociale et spatiale.