Équipe TERMS

L'équipe TERMS souhaite contribuer par ses travaux au renouvellement à l’œuvre dans les sciences sociales sur la pensée des différences entre les régions du monde et la possibilité de catégories d’analyse universelles, sur la pertinence de découpages entre aires culturelles et leurs effets performatifs, sur les dynamiques de longue voire de très longue durée dans leur relation au changement ou sur l’articulation entre structures et capacité d’agir des acteurs.

Présentation détaillée des axes de recherche

Problématique de recherche

Les questions de la durée des objets géographiques et de leurs relations aux temps historiques sont anciennes et se situent – au moins en France – aux fondements mêmes du dialogue entre l’histoire et la géographie. Pendant longtemps, les approches classiques scandaient le temps, découpaient et stratifiaient l’espace en entités relativement stables dont on supposait qu’elles préexistaient aux savoirs développés pour les saisir. Dans un contexte placé aujourd’hui sous le signe des circulations de toutes natures et de leurs dématérialisations, les SHS sont entrées, depuis déjà plusieurs décennies, dans un moment épistémologique où l’on préfère décloisonner et déconstruire les entités d’analyse agrégées, repérer les appartenances labiles et les hybridités. Les grammaires traditionnelles de l'espace et du temps (en structures spatiales, moments et durées), s'en trouvent dévalorisées au profit de conceptions plus dynamiques (processuelles) ou indexées sur des représentations (d'abord collectives, mais aussi individuelles parfois). Délaissant ce qui est stable, continu, étendu, borné, l'étude des processus géographiques valorise désormais le discontinu, les connexions, les intermittences, les relations distantes, etc.

Qu’en est-il alors de la possibilité, du sens ou des manières d’enquêter sur les diverses formes de durée, d'organisation, de différenciation et d'extension des objets géographiques ? Il s’agit ici de reprendre la question à bras le corps en prenant au sérieux les critiques et les déconstructions dont le rapport espace/temps a fait l’objet. Celles-ci prises en compte, comment repenser à frais nouveaux les réseaux, les territoires, leurs hiérarchies et emboîtements, en tenant compte à la fois des héritages (et de leur résilience), des renégociations permanentes par les acteurs des contours des mondes qu'ils habitent, mais aussi des formes émergentes, inédites, suscitées par les transformations continuelles des sociétés ? Nous souhaitons contribuer au renouvellement à l’œuvre dans les sciences sociales sur la pensée des différences entre les régions du monde et la possibilité de catégories d’analyse universelles, sur la pertinence de découpages entre aires culturelles et leurs effets performatifs, sur les dynamiques de longue voire de très longue durée dans leur relation au changement ou sur l’articulation entre structures et capacité d’agir des acteurs. Ce projet se décline ainsi en un vaste champ d’interrogations que nous tenons pour interdépendantes et que nous entendons croiser.

Échelles de construction

Notre questionnement central s'articule autour des questions des échelles spatiales et temporelles auxquelles se composent ou se (re)configurent les sociétés. Loin de vouloir travailler à des échelles déterminées (les niveaux scalaires de la géographie étant, eux aussi, des catégories spatiales construites) ou des périodes fixées, nous souhaitons intégrer dans nos réflexions et nos approches des niveaux spatiaux intermédiaires multiples situés entre le niveau microsocial de l’interconnaissance voire de l'individu et le niveau planétaire et mettre en évidence la variabilité des temporalités dans lesquelles s'inscrivent les formes et les configurations spatialisées, tantôt éphémères ou tantôt durables. Cette posture permet d’explorer les processus de construction des objets spatiaux, de leur maintien, de leur évolution ou de leur résilience, en interrogeant par exemple à la place des héritages, de la mémoire ou du patrimoine. La dimension géographique des temps historiques est prise en compte en examinant la relation des constructions spatiales aux futurs imaginés et le poids des utopies et des idéologies dans la construction des objets spatiaux et, plus généralement des imaginaires associés aux contenus sociaux et culturels ou des avenirs qu'on leur prête. Cela implique également de reconsidérer les découpages de l'espace et du temps opérés par les savants, les acteurs ordinaires ou les acteurs institutionnels pour gouverner les territoires, d’en interpréter l'histoire ou d’éclairer leur expérience et de discuter la contingence et la pertinence de ces découpages, leur stabilité et leur performativité.

À la conjonction de deux perspectives de recherche

L’équipe TERMS est née de la rencontre de deux perspectives de recherches anciennes dans l’UMR. La première s'intéresse à l'outillage mental et expressif des "sciences de l'espace et du milieu" (en particulier leurs langages expressifs - cartes, images, textes, modèles) et sur l'histoire sociale de leurs acteurs (en particulier des géographes et cartographes). Elle a été développée de longue date au sein de l'équipe Épistémologie et Histoire de la Géographie, puis sous la forme d’un séminaire dédié dont les acquis alimentent la connaissance des conditions et des modalités de production des savoirs géographiques. La seconde perspective s’inscrit dans l’intérêt ancien au sein du laboratoire pour la dimension temporelle des objets géographiques. Cet intérêt est de deux ordres. Certains travaux portent sur la construction et les évolutions des objets géographiques, en particulier de ceux qui relèvent de découpages spatiaux (maillages, régions, régionalisations) ou qui structurent les territoires (réseaux, infrastructures, systèmes de peuplement, etc.). Ces recherches sont pour beaucoup menées à petite échelle, notamment à l’échelle mondiale, mais pas uniquement. Quelles que soient les échelles considérées, ces objets géographiques peuvent avoir été construits dans une visée institutionnelle afin d’administrer ou de gouverner des territoires, ou dans une visée d’intelligence du monde et d’établissement intellectuel de grammaires de l’espace par des démarches académiques. Dans les deux cas, ces objets géographiques engagent des savoirs qu’il convient de situer et de réinterroger dans une perspective critique. Deuxièmement, et sans que ces approches soient exclusives l’une de l’autre, d’autres recherches portent sur les effets performatifs de ces objets géographiques : effets sur les représentations du monde, sur les appartenances territoriales, sur les pratiques politiques ou vernaculaires et par conséquent sur les modalités mêmes de production des espaces.

La nouvelle équipe entend fédérer ces approches et ouvrir un espace consolidé d'échanges et de collaborations, qu’elles portent sur les possibilités théoriques et sur les différentes manières d'articuler le temps et l'espace ou qu’elles interrogent les temporalités des configurations spatiales. Il s'agit d'aborder ces questions dans une perspective franchement réflexive, attentive aux savoirs produits et aux contextes historiques de leur production.

Postures de recherche

Par-delà la diversité des objets, des époques, des parties du monde étudiés ou des échelles et outils mobilisés, nous partageons les mêmes postures de recherche. Celles-ci sont :
- attentives aux positions et contextes d’énonciation, aux articulations des pratiques et des savoirs, à celles des récits et des expériences, de l’agir (politique ou ordinaire) et des imaginaires.
- ouvertes à l’interdisciplinaire, non seulement au plus près, entre géographes, historiens, archéologues, urbanistes, mais encore de façon plus large en construisant un dialogue avec d’autres champs disciplinaires qui vont des mathématiques aux sciences politiques, à l’anthropologie, à l’architecture et au droit.
- en capacité de susciter le dialogue entre des travaux historiques pouvant remonter à un passé parfois lointain et des travaux portant sur des objets très contemporains.
- curieuses de la comparaison entre des objets a priori « incomparables » par la diversité des échelles envisagées.

Les programmes scientifiques récents des membres de l’équipe