Federico FerrettiFederico FERRETTI, professeur de géographie à l’Alma Mater Studiorum de l’Université de Bologne, membre associé  du laboratoire Géographie-cités, interviendra dans quatre séminaires au Campus de Condorcet et à l’ENS au printemps 2022.

 

Les archives dans l’histoire de la géographie: problèmes méthodologiques et perspectives pour la recherche

dans le cadre du séminaire Géographie et Sciences sociales, organisé par Marie-Vic Ozouf-Marignier et Nicolas Verdier

21 avril 2022, da 14h30 à 16h30

EHESS, Salle 50
Campus Condorcet
2 Cours desHumanités
93300 Aubervilliers

Résumé

Basée sur un retour d’expérience de presque vingt ans de travaux dans des archives de plusieurs types, en plusieurs pays et en plusieurs langues, cette intervention cherche à établir des repères méthodologiques pour s’orienter dans la complexité des sources qui se sont ouvertes récemment à l’intérêt des chercheur.e.s travaillant sur l’histoire de la géographie.

En même temps, cette communication vise à souligner l’importance du travail sur des sources inédites pour toute histoire intellectuelle. On se réfère spécialement aux tendances récentes de l’histoire globale considérant les archives (aussi dans leurs aspects internationaux et multilingues) comme des ressources indispensables pour une lecture transnationale et transculturelle de la circulation des idées.

Ces approches complémentent bien les tournants spatiaux et contextuels de l’histoire de la géographie (et des science humaines et sociales en général), qui considèrent comme insuffisantes des lectures uniquement internalistes de la construction du savoir, en posant l’accent sur l’importance des contextes culturels et historiques de la productions de ces idées. Una partie fondamentale de ces contextes sont les lieux de la production des savoirs, ainsi que leurs circulations et transferts, facteurs dont le rôle dans la construction de la connaissance est désormais bien connu. En outre, on reconnaît de plus en plus l’importance des aspects matériaux de l’histoire intellectuelle, tels que réseaux et laboratoires. Cela inclut aussi les existences concrètes d’individus et groups, d’où la redécouverte de la biographie et de l’autobiographie dans l’histoire de la géographie. Les archives jouent un rôle stratégique dans toutes ces approches intellectuels, ce qu’on va démontrer à travers des exemples choisis.

Géohistoire et géopoétique dans le Nordeste du Brésil (1945-2002): les oeuvres de Josué de Castro et Mauro Mota

dans le cadre du séminaire Histoire du Brésil, XVIe-XXIe siècle. Historiographie, enquêtes en cours, organisé par Claudia Damasceno Fonseca, Laura de Mello e Souza, Jean Hébrard et Jean-Frédéric Schaub

16 mai 2022 de 12 h30 à 14 h30

Campus Condorcet
Centre des colloques, salle 3.06
Aubervilliers

Résumé

Basé sur des recherches d’archives qui ont été menées dans les riches fonds personnels des géographes brésiliens Josué de Castro (1908-1973) et Mauro Mota (1911-1984), déposées au centre Coordenação-Geral de Estudos da História Brasileira (CEHIBRA) de la Fondation Joaquim Nabuco (FUNDAJ) à Recife, ce séminaire aborde la notion de géopoétique en partant des travaux littéraires que ces intellectuels engagés ont produit sous la forme de poésies, de romans ou de courtes nouvelles, pour sensibiliser les publics locaux et internationaux sur les drames sociaux et environnementaux de leur région, notamment le Nordeste du Brésil.

En partant d’un questionnement du caractère initialement euro-centrique des études dites de « géopoétique » et en m’inspirant d’une riche littérature internationale dans les camps de la critique postcoloniale, dé-coloniale et féministe, j’interroge mes sources sur l’efficacité politique et épistémologique de ces récits sur la condition de misère et les migrations cycliques ayant lieux dans l’intérieur aride du Nordeste (sertão), qui remplissaient périodiquement les villes côtières du Nordeste où les pauvres continuent encore aujourd’hui de s’entasser dans des logements informels tels que les favelas. C’est à une forme particulière de ces logements, les Mocambos de Recife, qu’un auteur comme Castro, le célèbre géographe de la faim, a dédiée certaines de ses pages narratives les plus réussites à partir de son « Cycle du Crabe ».

En analysant la production et la circulation de travaux comme les nouvelles de Castro e les poésies de Mota, je souligne les performances d’une stratégie communicative qui porta la géographie à acquérir du succès public et de la relevance sociale au milieu du siècle vingtième, et qui peut dialoguer aujourd’hui avec les approches dé-coloniales redécouvrant des traditions non-Européennes (telles que les cultures indigènes et Afro-brésiliennes) avec qui les géographes critiques du Nordeste démontraient d’être déjà plutôt familiers.

L’exil créatif : quand la persécution politique devient une opportunité pour les chercheurs

dans le cadre du séminaire Groupe de Réflexion sur le Brésil Contemporain, organisé par Afrânio-Raul Garcia Jr., Camila Moreira Cesar, Benoît de L’Estoile, Waldir Lisboa Rocha, Vassili Rivron et Glauber Sezerino,

18 mai 2022

Ecole Normale Supérieure
45, rue d’Ulm, salle des Lettres 1

Résumé

Ce séminaire se base sur des travaux d’archives menés dans les fonds personnels des géographes critiques brésiliens Milton Santos (1926-2001) et Manuel Correia de Andrade (1922-2007) déposées à l’Institut d’Etudes Brésiliennes (IEB-USP) de São Paulo et sur des dossiers de la police française concernant Josué de Castro (1908-1973) lors de son séjour à Paris. Ces géographes furent au nombre des intellectuels et activistes persécutés par la dictature militaire brésilienne après le coup d’état de 1964, subissant en certains cas l’arrestation et en certains cas l’exile, même prolongé.

En m’inspirant de la littérature postcoloniale sur la condition de l’exile comme angoisse et impossibilité de revenir en arrière selon des auteurs tels qu’Edward Said et Stuart Hall, et en me focalisant sur les correspondances de Santos, Andrade et Castro, j’analyse leur réseautage international entre le Nord et le Sud Global qui leur a permis de construire, aux années 1960-1970, des circuits cosmopolites de solidarité politique et de géographie critique dont l’importance a été méconnue jusqu’à des temps très récents.

J’affirme donc que l’exil a été paradoxalement l’une de leurs armes, car malgré toute les douloureuses contraintes que cette condition entraîne, cela leur a permis de construire des discours et des pratiques qui étaient vraiment plurilingues, transnationales et transculturelles, et qui peuvent nourrir les tendances dé-coloniales actuelles. Méthodologiquement, cette recherche s’inspire aussi de tendances récentes de la Global History valorisant les archives comme instruments pour comprendre les réseaux transnationaux de la circulation des savoirs.

Réseauter et dialoguer pour changer la géographie: Anne Buttimer (1938-2017), l’Union Géographique Internationale et l’International Dialogue Project

dans le cadre des séminaires mensuels de l’équipe EHGO, organisés par Olivier Orain et Nicolas Verdier

20 mai 2022

Campus Condorcet
salle 1122 bâtiment de recherche sud
5, cours des Humanités 93322 Aubervilliers

Résumé

Cette intervention porte sur une expérience de recherche qu’on a menée dans les derniers cinq ans autour des archives d’Anne Buttimer, laquelle nous a malheureusement quittés en juillet 2017, en laissant toutefois un très riche patrimoine de documentation archivistique, correspondant à une vie entière de recherche cosmopolite et internationaliste, avec le mandat explicite de l’utiliser pour prolonger ses recherches dans les champs des géographies humanistiques et critiques, et bien entendu de l’histoire de la géographie. On se focalisera spécialement dans les relations, peu étudiées jusqu’à maintenant, entre les tendances intellectuelles connues respectivement comme « géographies humanistiques » et « géographies radicales ».

Un travail sur le correspondances inédites d’Anne Buttimer nous a permis de découvrir et mieux contextualiser ses relations avec des géographes radica.ux.les nord et sud-américain.e.s dont David Harvey, Bill Bunge, Myrna Breitbart et Milton Santos parmi d’autres, ainsi que ses références à la tradition géographique anarchiste de Reclus et Kropotkine. Parallèlement, on découvre l’inspiration freirienne de l’International Dialogue Project que Buttimer a conduit avec Torsten Hägerstand de 1977 à 1988, ce qui démontre une fois plus la performance des recherches d’archive pour l’appréhension des enjeux de la construction et de la circulation internationale des savoirs.