Les données des téléphones portables pourraient être la clé d’une définition précise et pertinente de ce qu’est une ville, affirment Paolo Santi et ses collègues, dont Denise Pumain, Professeur Émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, membre du laboratoire Géographie-cités du CNRS, dans un article de synthèse publié dans le premier numéro de Nature Cities. Ils affirment qu’une définition précise et globale d’une ville est cruciale pour la mise en œuvre réussie de la législation et des politiques telles que les objectifs de développement durable des Nations unies.
Les premières villes ont probablement été fondées il y a cinq millénaires, dans l’Irak d’aujourd’hui et dans ses environs, lorsque les excédents agricoles ont favorisé la croissance des colonies. Depuis lors, des villes ont vu le jour un peu partout dans le monde. Certaines se sont transformées en zones métropolitaines, et beaucoup ont changé de forme et de taille. Par exemple, la région de la baie de Guangdong-Hong Kong-Macao en Chine comprend neuf villes qui ont convergé en une « mégalopole » urbaine de plus de 80 millions d’habitants, et les villes américaines de Boston, New York, Philadelphie et Washington D.C. forment maintenant une bande urbaine presque continue.
Un rapport récent du Programme des Nations unies pour les établissements humains (UN-Habitat) reconnaît la nécessité d’une définition de la ville qui fasse l’objet d’un accord mondial. Les définitions existantes d’une ville ont tendance à se concentrer sur la densité de la population ou sur l’emplacement des bâtiments tel qu’il apparaît sur les images satellite. Cependant, aucune de ces variables ne se concentre sur les flux de personnes, comme les navetteurs urbains, et ces flux sont ce qui relie les villes en mutation d’aujourd’hui, reliant la forme urbaine à la fonction urbaine. C’est pourquoi les auteurs de cette perspective proposent des critères pour une définition générale de la ville, notamment qu’elle soit compréhensible, universelle et accessible, et qu’elle puisse être utilisée par la communauté croissante des sciences urbaines.
Les auteurs de Nature Cities Perspective suggèrent que les données des téléphones portables, sous la forme de relevés d’appels et de GPS, peuvent donner aux chercheurs un aperçu de ce qui constitue une ville répondant aux critères proposés. Les données anonymes peuvent fournir des informations spatiales et temporelles sur les personnes se trouvant dans une zone géographique donnée et peuvent mettre en lumière la présence diurne ou nocturne des personnes. Les chercheurs écrivent que « les données des téléphones portables constituent un mécanisme de collecte cohérent dans le monde entier et sont indépendantes des recensements nationaux ».
L’équipe de recherche note que les données des téléphones portables ont des limites. Tout d’abord, ces données sont sécurisées par des entreprises privées et sont protégées des tiers par des accords de non-divulgation et des réglementations en matière de protection de la vie privée. Par ailleurs, les données elles-mêmes peuvent sur-représenter certaines populations, comme les utilisateurs les plus jeunes et les plus riches.
Les auteurs concluent toutefois que « cette approche faciliterait la reproductibilité des études et des comparaisons entre différentes zones géographiques, ce qui apporterait des avantages inestimables à la communauté des chercheurs ».
Ce texte est un article de perspective de Nature Cities, et non un article ou un document de recherche de Nature Cities. Les articles de perspective sont des articles d’opinion d’actualité qui font autorité et qui traitent de la recherche scientifique et de ses ramifications. Ils sont évalués par des pairs.
Nature Cities
Nature Cities est une nouvelle revue mensuelle en ligne lancée en janvier 2024 par le groupe d’édition Nature. Nature Cities publiera des recherches et des opinions pertinentes sur les villes et les questions urbaines au sens large. Toutes les décisions éditoriales sont prises par une équipe de rédacteurs professionnels à temps plein.
Nature Cities a pour objectif d’approfondir et d’intégrer la compréhension fondamentale et appliquée de la nature des villes, y compris leurs rôles, leurs impacts et leurs influences – passés, présents et futurs. La revue présentera des recherches de pointe, des analyses synthétiques et des nouvelles et opinions d’actualité. En rassemblant des contenus et des voix divers, elle vise à transcender les clivages entre les disciplines, entre les régions et entre les chercheurs, les praticiens, les décideurs politiques et le public.
Nature Cities couvrira l’ensemble des recherches, des opinions et des idées pertinentes pour comprendre les villes au sens large. Il s’agit d’une couverture à la fois mondiale, régionale et locale, qui présente des voix et des points de vue divers, y compris ceux qui ont une pertinence pratique et politique. Elle présentera des recherches quantitatives et qualitatives issues des sciences naturelles et sociales, de l’ingénierie, des disciplines professionnelles et des sciences humaines.