Quelques réflexions sur les manières de grouper et de différencier les « sciences humaines » et les « sciences sociales » dans la France des années 1944-1970 »

Olivier Orain, chargé de recherches au CNRS et membre du laboratoire Géographie-cités, interviendra à la journée d’étude Qu’est-ce qu’une maison des sciences de l’homme ? Pour une histoire de la FMSH (1963-2023)

Mercredi 1er février 2023
9h30-19h
Maison Suger
16 rue Suger, Paris 6

Séance 2 | 14h00 – 16h30
Présidence : Maurice AYMARD (EHESS, CRH)

Olivier Orain : « La valse des étiquettes : quelques réflexions sur les manières de grouper et de différencier les « sciences humaines » et les « sciences sociales » dans la France des années 1944-1970 »

La Maison des sciences de l’homme et la Fondation du même nom ont vu le jour en 1963 à l’issue de nombreuses tractations dont l’histoire est relativement connue depuis les travaux de Brigitte Mazon (1988), Giuliana Gemelli (1995) et Ludovic Tournès (2011). Pourtant, peu d’enquêtes se sont spécifiquement penchées sur les différentes étiquettes (hyperonymiques) qui ont été alors promues, défendues, contestées, etc., et plus largement sur la question des catégorisations qui avaient alors cours. Pourtant, le choix final de « sciences de l’homme » n’était sans doute pas le plus évident, eu égard aux acteurs concernés et aux choix des institutions alors chargées de penser/classer cet ensemble de disciplines et de savoirs.

Le propos de cette communication est justement de revenir sur l’ensemble des choix faits dans les politiques scientifiques françaises de l’après-guerre et des débats qui les ont précédés, accompagnés ou suivis. Les années 1944-45 ouvrent justement une période où l’État adopte, pour une vingtaine d’années, le label « sciences humaines » comme cadre global de sa politique de développement et de soutien parcimonieux à ce domaine du savoir, moment d’homogénéisation provisoire lié à un « modernisme » relatif et à une volonté —sans doute — d’œcuménisme (Reubi, 2020).

Pour autant, cette politique se fit en dialogue avec des interlocuteurs qui avaient d’autres cadrages : pour les Fondations américaines, les « sciences sociales » étaient bien plus significatives, tandis que certains acteurs français pouvaient parier sur la promesse qu’elles incarnaient, rêve américain ou héritage des années d’entre-deux-guerres. On s’interrogera aussi chemin faisant sur le sens et sur la vocation des hyperonymes, mais aussi et surtout sur leur fluctuation dans le temps et selon les groupes et individus.

Fondation Maison des sciences de l’homme

Fondée en 1963, la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) est un objet institutionnel et intellectuel singulier qui mérite l’attention des chercheurs en sciences humaines et sociales. Revendiquant le modèle de la Fondation nationale des sciences politiques, promue par des fondations philanthropiques étatsuniennes, financée notamment par l’État français, elle est au moins autant révélatrice des dynamiques institutionnelles et savantes françaises que de l’importation et l’acclimatation de modèles étrangers.

L’objectif de cette journée d’étude est de contribuer à en écrire l’histoire. Il s’agit non seulement d’avoir une vision plus complexe de l’institution et de ses politiques de recherche au cours des soixante dernières années, mais aussi de mieux explorer, par ce biais, l’espace concurrentiel des institutions savantes parisiennes et françaises sur cette période.

Quelles pratiques et politiques de recherche recouvre en 1963 le syntagme « sciences de l’homme » alors que les facultés de lettres viennent de se renommer facultés de « lettres et sciences humaines » (1958) et que l’École pratique des hautes études s’est dotée d’une sixième section consacrée aux « sciences économiques et sociales » (1947) ? Le rapport à « l’international », central dans cette institution, mérite lui aussi d’être historicisé : quelles « aires culturelles » (pour reprendre le vocabulaire promu par l’un de ses fondateurs, Clemens Heller) furent prioritairement investiguées ? Des modèles ou des contre-modèles étrangers furent-ils revendiqués ? Comment cette vision et pratique du monde s’est-elle transformée au cours d’un demi-siècle où les relations internationales se sont tellement modifiées ?

La Fondation Maison des Sciences de l’Homme offre ainsi un merveilleux terrain pour mettre en œuvre une histoire conjointement institutionnelle et intellectuelle des pratiques savantes.

Cet événement est labellisé par la FMSH dans le cadre de la célébration des ses 60 ans.

Organisateurs

Marcia Consolim (Universidade Federal de São Paulo (UNIFESP), FMSH)
Wolf Feuerhahn (CNRS, Centre Koyré)

Télécharger le programme
S’inscrire
Participer à distance