Géographie de l’invisible : les territoires de la mémoire des femmes

Alexandra Mallah (EHESS / Géographie-cités) soutiendra sa thèse de doctorat intitulée “Géographie de l’invisible : les territoires de la mémoire des femmes” et réalisée sous la direction de Nicolas Verdier le

Vendredi 14 novembre
14h
Auditorium de l’Humathèque
Campus Condorcet

Jury

  • Dominique Chevalier
  • Karine Duplan
  • Béatrice Fraenkel
  • Frédéric Giraut
  • Réjane Sénac
  • Camille Schmoll
  • Nicolas Verdier
  • Vincent Veschambre

Résumé

Cette thèse vise à mettre en évidence les facteurs influençant la visibilité des écritures exposées mémorielles dans l’espace public parisien. Inscrite dans un contexte de multiplication des initiatives féministes de revalorisation mémorielle, elle est issue d’un paradoxe : malgré une présence accrue de figures féminines dans l’espace public, les mécanismes d’invisibilisation perdurent. La recherche s’attache dès lors à comprendre pourquoi certaines inscriptions honorant les femmes dans la ville sont perçues, tandis que d’autres demeurent invisibles. En analysant cette inégale visibilité des signes dans l’espace urbain, elle interroge les logiques spatiales de mémoire, à la croisée des rapports de genre, de pouvoir et de reconnaissance.

Ce travail s’appuie sur l’analyse croisée de trois marqueurs commémoratifs : les odonymes féminins, les collages commémorant des victimes de féminicides, et le projet les MonumentalEs inscrit sur la place du Panthéon. La méthodologie repose sur une approche hybride, combinant analyse quantitative (bases de données sur les inscriptions mémorielles) et qualitative (observations, entretiens semi-directifs, participation observante).

Quatre principaux résultats émergent de cette recherche. Premièrement, la visibilité ne se réduit pas à une propriété intrinsèque d’un signe : elle dépend d’un réseau de facteurs spatiaux (localisation, densité, co-présence), symboliques (charge mémorielle des lieux), graphiques (style, lisibilité), temporels (répétition, effacement), et sociaux (fréquentation, interactions). Deuxièmement, les mémoires féminines et féministes à Paris se déploient de façon fragmentée sur le territoire. Ces deux résultats en révèlent un troisième : les modalités d’inscription de la mémoire féminine à Paris contribuent à rejouer, voire à reconduire, des logiques d’inégalités de genre. À ce titre, la thèse montre que la mémoire des femmes et des minorités de genre reste une mémoire dans la ville, mais peine encore à devenir une mémoire de la ville. Enfin, malgré les limites que nous mettons en évidence quant à la visibilité des écritures mémorielles féminines et féministes, ce travail révèle l’émergence de pratiques mémorielles féministes contestataires qui subvertissent les formes classiques de commémoration. En valorisant d’autres formes de mise en mémoire, elles gagnent à être envisagées sous le terme de matrimoine critique.