Complémentarité des approches symboliques et numériques
Ce numéro spécial de la revue internationale de la Géomatique, auquel ont contribué trois membres de Géographie-cités – Julie Gravier, Lucie Nahassia et Lena Sanders – permet de re-situer les contributions respectives sur la possible et nécessaire complémentarité des approches numériques et symboliques pour l’étude de dynamiques spatiales.
Cette problématique a animé les réunions de l’Action prospective du GDR CNRS MAGIS, de 2015 à 2020. Partant d’expériences méthodologiques et scientifiques différentes (en géographie, archéologie, histoire, agronomie, écologie, …), ce numéro spécial tente d’identifier les rôles respectifs de ces deux approches, leurs points de jonctions, pour dégager cette fameuse démarche reproductible et transposable dans plusieurs contextes disciplinaires, voire transdisciplinaires.
Introduction : Complémentarité des approches symboliques et numériques pour l’étude de dynamiques spatiales
Christine Plumejeaud-Perreau, Mireille Fargette, Julie Gravier, Thérèse Libourel, Eric Masson, Hélène Mathian, Lucie Nahassia, Laure Nuninger, Xavier Rodier, Lena Sanders et Eric Saux
Est-il possible de dégager une démarche méthodologique pour étudier des dynamiques spatiales, une démarche qui s’appuierait sur les apports respectifs des approches symboliques et des approches numériques ?
Le premier travail du groupe – qui comportait des scientifiques de différentes disciplines : géographes, informaticiens, archéologues, historiens, biologistes et agronomes – fut de s’entendre sur ce que recouvrait la notion d’ontologie pour chacun.
« L’attrait des ontologies tient ici précisément au fait qu’elles permettent d’intégrer plus de connaissance(s) sur la donnée dans le modèle de calcul par une spécification formelle du domaine abordé. Ce type d’approche qui exige de formaliser des implicites sur les modèles et les construits des données permet également de rapprocher des acteurs qui ne parlent pas le même langage pour s’entendre sur les concepts importants à modéliser dans le domaine d’étude. »
Introduction, p. 6
Numérique versus symbolique : dialogue ontologique entre deux approches
Hélène Mathian, Lena Sanders
L’objectif de cet article est de comparer une approche statistique, l’analyse des données (AD) et une approche de simulation, les systèmes multi-agents (SMA).
Ces deux familles de méthodes sont a priori considérées comme représentatives d’une approche numérique, respectivement symbolique, de la modélisation spatiale. Le cas d’application qui est mobilisé tout au long de l’article est celui de la ségrégation de l’espace scolaire en Île-de-France.
En premier lieu sont explicitées et discutées les différentes étapes menant d’une question thématique à l’opérationnalisation d’une méthodologie d’analyse statistique ou de simulation destinée à analyser cette question. Pour effectuer cette comparaison, on développe un cadre conceptuel à l’interface entre les deux, qui permet de vérifier la compatibilité entre les arrières plans théoriques associés aux domaines thématiques et de modélisation en jeu. Ce cadre conceptuel prend appui sur une démarche ontologique qui est ensuite présentée. Celle-ci permet d’identifier les complémentarités entre AD et SMA et de montrer comment ces deux méthodes peuvent dialoguer dans le cadre d’une même recherche.
Nous montrons combien les aspects numériques et symboliques sont finalement étroitement imbriqués au sein même de chacune de ces méthodes. Cette imbrication permet de construire une « spirale d’interactions » entre les deux familles de méthodes dont l’intérêt est illustré par les va et vient entre les phases d’analyse de structure et de simulation dynamique dans le cas de la ségrégation scolaire.
Appréhender le changement des catégories pour l’étude d’une dynamique spatiale sur le temps long
Christine Plumejeaud-Perreau, Lucie Nahassia et Julie Gravier
À travers trois exemples issus d’études des dynamiques de peuplement en France sur le temps long, intra et interurbaines, cet article montre que l’introduction d’ontologies « a-historiques » a facilité la mise en place d’analyses numériques quantifiant les dynamiques spatiales.
Cependant il démontre que ces ontologies ne sont pas neutres, qu’elles ne dissolvent pas la spécificité des sources mobilisées, et constituent au contraire des savoirs situés. Mais au-delà de ces critiques, les auteures tendent à argumenter que le processus de construction et de dialogue établi autour d’ontologie a-historique est très bénéfique à la recherche, qu’il est un socle pour une science interdisciplinaire, partagée et pérenne.