Les femmes du laboratoire de graphique

Dans cet article, publié dans la revue Desgin Arts Medias, Jessica Katel Martin (EHESS / Géographie-cités) propose une étude empirique sur une partie de l’histoire du laboratoire de cartographie/graphique créé en 1954 au sein de la VIe section de l’École Pratique des Hautes Études. 

Souvent nommé et connu d’après son premier directeur, Jacques Bertin, le laboratoire a pourtant accueilli un personnel nombreux et divers jusqu’au milieu des années 1990. Les femmes occupent une place importante parmi ses membres, constituant une majorité aux postes et fonctions différents.

Sur la base d’un premier dépouillement d’archives, l’article entend présenter la composition et l’organisation du laboratoire à différentes dates avant de s’intéresser à une carrière particulière, celle de Madeleine Bonin. Division genrée des tâches, distribution genrée des statuts et rôle de la micro-informatique dans l’avancement de carrière d’une femme dans les années 1980 sont de premiers éléments d’analyse exposés dans cet article.

Sur la photo de groupe […] Françoise Vergneault a placé une retombe en calque. Sur celle-ci, en plus des noms et prénoms, elle légende les fonctions des un.es et des autres. Elle distingue les secrétaires, les dessinatrices, la photographe et les cartographes. Le féminin est de rigueur pour les dessinatrices au nombre de deux (Monique Veerkamp et Nancy Potier François). La seule catégorie avec un personnel masculin est celle des cartographes tandis que les autres fonctions sont exclusivement féminines ; ainsi du secrétariat et du dessin. Parmi les cartographes, on trouve aussi des femmes avec une proportion équilibrée à 50 %.

L’étude du personnel féminin met à jour  analyse Jessica Katel Martin « un questionnement non résolu » : « la distinction, et son critère, entre l’artisan et le penseur, entre celui qui fait et celui qui réfléchit, entre celle qui dessine et celui qui cartographie ». Et de conclure : « Peut-être est-ce là le questionnement que soulèvera l’étude du fonds du laboratoire et que ce premier article permet d’entrevoir. Y aurait-il une contradiction alors mise à jour par l’étude du personnel féminin? Alors que le laboratoire, et Bertin en premier lieu, a une haute conscience des implications épistémologiques de la mise en visualisation d’une information, perdure l’idée que le dessin est technique d’application objective, qu’il soit manuscrit ou automatisé. »

Cet article fait partie du dossier « Femmes de sciences » dirigé par Anne-Lyse Renon, pour la revue Design Arts Medias : comment confronter, relire, remettre en question le rôle des femmes à la croisée des historiographies en sciences, arts et design ? Sans réduire les rôles dévolus à la création et à la recherche, mais au contraire en regardant les frottements, les confrontations, les nuances, les paradoxes et démarcations entre pratiques et savoirs, ce dossier propose de réfléchir les histoires ensemble, mais également leurs spécificités.

Katel Martin, Jessica « Le laboratoire de graphique, au-delà de Jacques Bertin ? Les femmes du laboratoire de graphique », dans Renon, Anne-Lyse (dir.), Femmes de sciences, Revue Design Arts Medias, 06/2023

Jessica Katel Martin
Jessica Martin débute un doctorat croisant histoire des sciences, géographie, sociologie et épistémologie (EHESS, CNRS, UMR 8504 Géographie-cités) sous la direction de Nicolas Verdier et Gilles Palsky. Son travail a pour but de contribuer à écrire l’histoire du Laboratoire de cartographie de Jacques Bertin à l’EPHE puis à l’EHESS par l’étude et l’analyse croisées des fonds archivistiques du laboratoire et des archives personnelles de Bertin.

Voir aussi

Le laboratoire de cartographie de l’EPHE/EHESS (1954-1995)